Ne me demande rien durant cette nuit traître,
Ni l’heure qu’il est, ni pourquoi je broie du noir,
Et laisse-moi, veux-tu, refermer la fenêtre :
Ces feuilles dans le vent, je ne veux pas les voir.
Allume un feu de bois, çà et là déambule
Le visage serein, plus muette qu’un miroir.
Que je sois à l’abri comme au sein d’une bulle :
Ces feuilles sur le sol, je n’en veux rien savoir.
Reste tout près de moi dans ta robe vert tendre,
Fredonne une chanson, tourne ton dévidoir
Sans cesser un instant : je ne veux plus entendre
Les feuilles du sentier grincer de désespoir.
Garde-moi de cette universelle, éprouvante
Colère d’un automne ivre de son pouvoir,
Et ne demande pas pourquoi tant m’épouvantent
Les feuilles par milliers tombées mortes ce soir…
Radu Stanca (1920-1962)