Nos succès engrangés, tu reposes tes yeux,
Marches plus lentement. Les sentiers prolifèrent
Et, aux marges des prés, se rencontrent, radieux,
Comme une immense roue éventrée de lumière.
Nous approchons. L’air se fane, le soir descend
Et fait jaillir des fleurs plus vieilles que le marbre.
Vois la vapeur qui naît dans le ciel lactescent,
Loin sur les horizons, entre les fûts des arbres.
Est-ce une île ? une montagne ? un fleuve ? un désert ?
Nos pas s’achèveraient sur ces herbes sauvages ?
Il reste si peu à parcourir : un éclair,
Un fanal luit là-bas, sous le bleu des nuages,
C’est notre étape. Dans l’auberge on chante encor.
Le vin est bon, le lit profond, et toi, lascive,
Tu aimerais, drapée de tes longs cheveux d’or,
Sur le brasier de nos deux chairs t’étendre vive.
Tudor Arghezi (1880-1967)