Vases de fleurs

Quelles fiévreuses mains ont modelé un jour
L’argile noir de jais de ce vase sans grâce,
Plein de roses mourant, sans espoir, sans recours,
Tout comme meurt en nous notre orageux amour ?
L’argile noir de jais de ce vase sans grâce
Evoque le tombeau et me remplit d’angoisse.

Quelles fiévreuses mains l’ont fermement pétri,
Lui conférant la ligne et le port d’une femme ?
Ses flancs sinueux bercent les œillets flétris,
Son giron accueillant est chaud comme un abri,
Lui conférant la ligne et le port d’une femme,
Dont les gestes dansent ainsi que dansent les flammes.

Quelles fiévreuses mains d’amoureux mal léché,
Dans la glaise humide à la chaleur organique,
Ont enfoui le fragment coupable, l’ont caché
Tel un germe porteur de soif et de péché ?
Dans la glaise humide à la chaleur organique,
Quelles mains ont jeté l’ivresse et la panique ?

Ô ! cratères malsains où meurent tant de fleurs,
Vases qui sont en fait des urnes funéraires
Pour le bleuet, la myrte et le pois de senteur,
Pour l’orchidée jadis si pleine de hauteur –
Vases qui sont en fait des urnes funéraires,
Etouffant les éclats des femmes en calvaire…

Claudia Millian-Minulescu (1887-1961)