Ton nom est là, sur ma lèvre, toujours vivant,
Poisson d’argent têtu qui va vers les cascades
Et jaillit hors de l’eau, et de l’oubli s’évade…
Le mutilé croit bouger le bras comme avant.
Des yeux restés tendus tels des biches fuyardes,
De l’oiseau empêtré dans les filets du vent,
Que sais-tu ? Pour traverser le gué, t'enlevant,
Te pendant à mon cou, je te disais : « Regarde ».
Ton rire, plus fort que le chant de la rivière,
Etait pourtant fragile : il resta loin derrière.
Une cigogne, bras ouverts, fend l’horizon.
Septembre est chaud, les blés se couchent en prière
En se laissant rouer de gifles à foison.
Ton nom est là… Ma lèvre et moi nous nous taisons.
Ilarie Voronca (1903-1946)