Du fond de mon bateau je peux apercevoir
Ces murs où mes lambeaux de passé se cramponnent
Et me font signe. Hivers, printemps, étés, automnes…
Le diadème de pierre étend loin son pouvoir.
Sur la place, là-bas, une noce résonne.
Je ne franchirai pas la porte avant le soir,
Quand le jour rangera ses éclats de miroirs,
Quand le gris du pavé n’y sera pour personne.
Il commence à pleuvoir, et moi j’attends dehors,
Sous les arbres, espérant je ne sais quel miracle,
Quel sang nouveau qui batte aux berges de mon corps.
Mais nul élan ne vient : le ciel fuit en débâcle,
Laissant un étranger médusé, sans ressort,
Pour la première fois, qui frissonne et renâcle.
Ilarie Voronca (1903-1946)