Oiseau poète, ou frêle flûte, à moins que tu ne sois fontaine,
Tout ce que promet le soleil, tu l’as reçu depuis longtemps,
Toi que la ville a rejeté mais cherche par-delà les plaines.
Je le vois bien, tu es aurore… et crépuscule : je l’entends !
De quelle étoile parle-t-on, et quelle peur ou quelle haine
Bruissent ainsi d’un bruit de soie au sein des arbres dégouttants ?
Fleurs aux pétales arrachés, noyaux trop verts, fruits mûrs à peine
D’où tombe morte sur le sol la peluche odieuse du temps.
Irrésolu : automne, été, printemps passent comme des femmes,
Mille chariots croisent Vénus s’en allant au bout de l’hiver,
Et les mains, pauvres caboteurs, flottent au large au gré des lames.
Dites-moi quelle étoile enfin, quelle herbe ruisselle au travers
Des yeux fermés ? La ville attend, tu n’en veux pas mais la réclames,
Et l’oiseau va de-ci de-là avec ses ailes à l’envers…
Ilarie Voronca (1903-1946)