Plus invisible le visage oublié au fond d’un miroir
Comme, tendu dessous l’étang, le drap d’une aurore puissante
Ou comme ton image en moi avec ses écailles glissantes
Détacher du verbe un pollen pour ne jamais s’en émouvoir
Le dos s’en retournant aux flûtes, le pied souple dans la tangente
Je vois les paons se pavaner sous une averse de cils noirs
Et au-dessus le même front d’azur couve sans le savoir
Un feu de hérons sur le lac, et d’épines au cœur des plantes
Réduit en cendres, le limon garde nos baisers imprégnés
Quelle rosée en fut la voix ? Et les beaux yeux – quelle fougère ?
Tu t’en vas sur un lit d’écume avec ton rire à l’œil mouillé
Quant à ma bouche, que l’amour au fer rouge la réfrigère
Chaque feuille est révélation, tels au printemps les cornouillers
Et du fond des miroirs j’entends toujours tes invites légères
Ilarie Voronca (1903-1946)