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I
Au nord cette ample mer, ce ténébreux rebord
Où règne, croupissant sous l’âpre paix des morts,
Une nuit que jamais un astre ne constelle
Et que bat le ressac perpétuellement –
Affreux un puits d’abandon plein de mugissements
Où se tient à l’affût, crânement, le rebelle.
L’onde qui se profile ici n’est que noirceur
Et effroi jusques en ses froides profondeurs ;
Solitude partout, nulle part l’Empyrée,
Rien que malheur étale et ruine à profusion ;
Aucune échappatoire autre qu’en l’illusion
Félonne, par qui sont les âmes attirées.
Loin, oh ! si loin du ciel étoilé, de ses chants,
Le marin poussé là par un destin méchant !
Si loin du doux soleil, de l’amour et des danses,
Que tout en lui s’abîme en un chagrin total,
Qu’il se livre aux flots gris de l’océan fatal,
Et que se ferme et meurt sa dernière espérance.
Or mon âme elle-même était cet océan.
II
Au sud gît ce brasier qui ronge sans merci,
Monstrueux sahara de soleil tout roussi,
Désolation sans fin dont les sables stériles
Laissent sourdre la nuit scorpionnes et fennecs ;
Pays sans herbe, les puits même ont le cœur sec,
Et des serpents partout se nouent et s’horripilent.
Là-bas, sur toute la plaine un feu torrentiel
Se déverse depuis les horizons du ciel ;
On peut marcher, marcher… et jamais on n’avance ;
On se hâte en croyant voir un lac, mais en vain ;
On souffre nuit et jour les tourments de la faim,
Et la mort nous sourit, comme de connivence.
Loin, oh ! si loin des bois aux accueillants couverts,
Le voyageur errant, perdu, dans ce désert,
Banni, exilé loin de toute chose humaine,
Des rires, de la foi, de tout ce qui est beau,
Ne se voit escorté que de quelques corbeaux
Et de rêves malsains qui, cruels, le promènent.
Or mon âme elle-même était ce grand désert…
Constant Cantilli (1875-1949)