Ta langue est partout souveraine :
Montre-moi un pli de mon corps
N’adorant pas que cette chienne
Vienne lui flairer les abords !
De pied en cap, d’aisselle en aine,
Nulle étendue ou corridor
Etroit qui ne lui appartienne.
Ta langue entre partout par force :
Avec une ténacité
Qu’aucun tollé ne désamorce,
Elle perce sans hésiter,
S’insinue, acide féroce,
Dans mes anfractuosités,
Eventre toutes mes écorces.
Ta langue lappe à la dérive,
Trace en tous sens de tortueux
Chemins chatoyant de salive,
Déroule un flot torrentueux
De chair en chair, de rive en rive ;
Bave d’amour voluptueux,
Comme elle luit et m’enjolive !
Ta langue se plante et fourrage
Au plus noir de mes puits secret :
C’est une tige de forage
Violant tout ce qui est sacré,
Déchirant tout sur son passage,
Profanant mon intimité,
S’enfonçant toujours davantage.
Ta langue, ardent fleuve d’écume
Toujours en crue… ah ! son élan
Emporte le plomb comme plume,
En un long ressac ruisselant
Qui ne laisse sur le bitume
Derrière elle qu’un no man’s land,
Un homme fini, un légume.
Oui, mais ta langue ambulancière
Me prodigue les premiers soins
Après ces voluptés dernières ;
S’appliquant plus que de besoin,
Elle astique, elle dépoussière
Avec art les moindres recoins,
Y compris ceux cachés derrière…