Nul ne sera là

Aucun désir, aucun tourment – quelle paix ! et pourtant tu trembles
En cette heure grise où ton cœur, ton esprit tout entier te semblent
S’enfoncer dans les froides eaux d’un puits de silence profond
Où meurt même le souvenir et où les rêves se défont…

A la pendule du salon, une à une, les heures sonnent,
Et tu te demandes si nul ne pense à toi – vraiment personne ?
Tard le soir, au moindre murmure, un dur étau te rompt le cœur…
Mais tu sais bien que tu n’entends que l’haleine du vent moqueur
Balayant sans fin le tombeau où dort l’amant qui te réclame,
Dont le spectre vient chaque jour, effleure sans bruit ta pauvre âme,
Frémit que tu ne prennes peur…

Bientôt, quand la terre voudra t’ensevelir entre ses lèvres,
Nul ne sera là pour saisir tes derniers mots brûlants de fièvre,
Et nul pour caresser ton front du velours d’un chuchotement
Qui, dans l’âpre nuit du chagrin, aurait brillé brièvement...

« Nu-i nimeni »
Elena Farago (1878-1954)