Pas de coup de semonce, rien, mais il arrive que je sente,
Impérieux, s’emparer de moi ce désir fou de mutisme – oh !
C’est une complainte indicible, antienne sans rimes, sans mots,
Ni lamentation ni prière, et pourtant triste et caressante.
Oui, ce chant refuse les mots pour n’aller pas se transformant
En cent vagues de nostalgie, et la nostalgie en souffrance,
Car la souffrance bien souvent à la révolte se fiance
– Plutôt me soumettre au destin et t’espérer confusément…
Le temps multiplie entre nous d’affreux ronciers dans le passage,
Ils se dressent toujours plus haut et je m’y déchire les doigts…
Evidemment, le chant muet sait tout cela bien mieux que moi,
Mais il attend que l’on soit deux pour nous le donner en partage.
« Fără cuvinte »
Elena Farago (1878-1954)